Le Garde Meuble de la Couronne

Marc-Antoine-Thierry de ville D’avray Intendant du Garde-Meuble de 1784 a 1792.

Le Garde Meuble était le Service chargé de fournir les meubles nécessaires aux palais royaux et d’assurer leur entretien et leur transport d’un palais à l’autre. A partir du règne de Louis XIV et toujours depuis lors, il devait aussi tenir un inventaire de tout le mobilier appartenant à la Couronne, consigner ses déplacements d’un palais à l ‘autre, voire d’une pièce à l ‘autre. Il disposait d’un personnel important. Pendant le règne de Louis XVI sa direction était installé place Louis-XV (aujourd’hui place de la Concorde) dans celui des deux grands édifices construits par Jacques Ange Gabriel, situé le plus à l’est de la place, et qui est maintenant affecté au Ministère de la Marine.

Chacun des Palais royaux disposait en outre d’un personnel d’entretien dont l’importance était très variable. C’est ainsi qu’a Versailles, par exemple, il atteignait un nombre considérable alors qu’un seul agent était jugé suffisant pour des châteaux rarement habités comme St-Germain ou la Muette.

Le chef du service, l ‘Intendant et le contrôleur général des meubles de la Couronne était chargé de commander les meubles neufs destinés à la Couronne et comme celle-ci était de loin le plus important et le plus riche client de tout le commerce du meuble, le contrôleur général était en mesure d ‘exercer une influence considérable sur le goût du jour. Sous Louis XVI, les deux intendants qui se succédèrent étaient bien qualifiés pour cela. Pierre Elizabeth de Fontanieu fut intendant de 1767 à 1783. Bien qu’il fût de naissance noble et eût été élevé dans le luxe, il avait, chose étonnante, toutes les connaissances techniques voulues pour occuper un poste semblable.

Il fit paraître une collection de dessins gravés pour vases, un ouvrage sur la production des bijoux en strass et au besoin, il alliait la pratique à la théorie. Non seulement, il avait appris l’élégant métier de tourneur sur ivoire, mais ce serait lui, parait – il, qui aurait été l ‘auteur d’une petite table à ouvrage en acajou, aujourd’hui au louvre et qu’il avait offerte à Marie-Antoinette. En 1783, il vendit sa charge que sa famille avait tenue pendant trois générations à Thierry de Ville D’avray, qui occupa le poste jusqu’à la révolution.

Ce dernier, moins qualifié que son prédécesseur au point de vue technique, n’en fut pas moins un administrateur remarquable et il réorganisa le système des inventaires du mobilier royal de telle façon que nous disposons aujourd’hui de quantité de renseignement sur les meubles ayant survécu et qui furent faits pendant la durée de ses fonctions.

C’était le rôle de l ‘Intendant que de prendre les ordres de la Famille Royale lorsque quelque nouveau meuble d’importance était nécessaire et il devait aussi en surveiller l’éxécution.

Généralement l ‘Intendant soumettait les dessins ou les maquettes à Louis XV ou à son successeur, aussi bien qu’à Mme Du Barry, à Marie-Antoinette et à quelques autres afin d’obtenir leur accord avant que le travail ne fût commencé.

Un intendant un peu diplomate était donc bien placé pour orienter le goût du souverain et il était vraiment capable d’imposer ses propres goûts à tous ceux autour de lui qui faisait la mode et de qui dépendait le goût du jour. Fontanieu s’acquitta de cette tâche d’une manière très habile. IL eut la responsabilité d’orienter le goût de la Cour pendant cette période qui vit le passage du style Louis XV au style Louis XVI.C’est alors qu’il était en fonction que la Couronne engagea les plus fortes dépenses qu’elle ait jamais faites en mobilier, et c’est lui qui fit donner à Riesner à l ‘époque où sa vogue était la plus grande, la majeur partie de ses plus importantes commandes Royales. Son successeur étant entré en fonction à la veille d’une crise financière qui obligea de faire des économies dans son service, eut probablement les coudées moins franches.

Pendant la période où Fontanieu était encore en place, il nomma Gondouin dessinateur en meubles auprès du Garde-Meuble à Paris où l ‘on employait aussi, de façon permanente,un mécanicien et un armurier. Cependant la plupart des meubles n’en étaient pas moins exécutés par des artisans dans leurs propres ateliers, seul Oeben, en sa qualité d’ébéniste du Roi, bénéficiait d’un atelier mis à sa disposition par la Couronne, d’abord à la Manufacture des Gobelins, ensuite à l ‘Arsenal, atelier où Riesener lui succéda.

Sous l ‘administration de Ville D’avray, un rôle important fut confié au sculpteur sur bois Jean Hauré. IL avait été chargé de contrôler les fournitures de meubles à la Couronne et en complète collaboration avec l’ébéniste Guillaume Beneman, il exerça sans aucun doute une influence considérable sur le goût au cours de la dernière période Louis XVI.

Les inventaires du mobilier royal soigneusement tenus à jour par les Intendants ont fourni à la postérité une telle richesse de renseignements sur chacun des meubles parvenus jusqu’à nous qu’il convient d’en parler plus en détail. Au moment de sa livraison chaque pièce du mobilier royal était couchée sur le livre d’inventaire approprié et on lui donnait un numéro. Ce numéro était peint ou quelquefois marqué au fer sur le meuble lui -même temps une marque indicative de la demeure royale à laquelle il était destiné (par exemple F. pour Fontainebleau, S.C pour St cloud ou C.T. pour château du Trianon, le tout surmonté d’une couronne fermée.

Pour les sièges et les meubles plus fragiles, le numéro était quelquefois inscrit sur une étiquette collé au bois du siège ou sur le bâti du meuble. Partout où l ‘on rencontrera ces marques de château et ces numéros, il suffira de se reporter aux inventaires manuscrits qui existent encore( soit au journal du Garde – Meuble à Paris où les renseignements étaient centralisés, soit aux inventaires secondaires tenus pour chaque palais) pour connaître le nom du fabricant, date de livraison, etc…..

L’administration de Thierry de Ville d ‘Avray avait pris ses dispositions pour que les commandes de meubles fussent toujours accompagnées des comptes détaillés et de tous les renseignements particuliers ayant trait à la livraison des meubles terminés.

Aussi pendant cette période d’activité du Garde Meuble y trouve- t – on une foule de renseignements supplémentaires tels que les noms des sculpteurs-doreurs, et des tapissiers employés et le détail des sommes payées à chacun d’eux. De plus les inventaires permettent de suivre tous les déplacements d’un meuble, dans l ‘orbite des palais royaux, ce qui de temps à autre nous fournit des indications intéressantes sur l’évolution du goût.

J.B.WATSON

 

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